Le 5 mai 2014, 23 élèves d’une école primaire de Gironde entourée de vignobles ont été intoxiqués par les épandages de pesticides qui avaient lieu à proximité de l’école. Leur institutrice a été admise à l’hôpital. Les malaises des enfants (pertes d’équilibre, céphalées, irritations oculaires et oropharyngées, nausées.) ont persisté au delà de 24h pour certains.
Deux exploitants viticoles ont été mis en cause, l’un en conventionnel, et l’autre en bio. Tous deux ont été condamnés, au terme d’un feuilleton judiciaire que nous retraçons ici. Ils ont été considérés coupables de n’avoir pas “mis en œuvre des moyens appropriés pour éviter l’entraînement des pesticides hors de la parcelle ou de la zone traitée”.
Cet accident a suscité une forte émotion et déclenché de nombreux articles de presse ou émissions de TV mentionnés sur cette page, en France et à l’étranger. Elle a aussi déclenché une enquête de la DRAF (pour dénombrer les écoles du département ayant cette proximité avec les vignes, plus de 130), une enquête de l’ARS (dont le rapport n’a été connu que deux ans plus tard), un arrêté préfectoral en 2016 pour limiter les épandages pendant les horaires scolaires. Elle a aussi déclenché beaucoup de communication tapageuse de la part de la FDSEA (lire ici ses fake-news) et de la chambre d’agriculture mais peu d’actes et notamment aucune diminution de l’usage des pesticides de synthèse (selon les derniers chiffres d’Ecophyto exprimés en NODU, voir notre article Ecomytho).
Notre revendication principale d’une zone de protection significative de 150 à 200 m autour des écoles et de tous les établissements sensibles (crèches, centres aérés, hôpitaux…) n’a été retenue ni par la Chambre d’agriculture à titre d’expérimentation, ni par la Préfecture. Cette dernière n’a pas répondu à nos nombreux courriers (voir la rubrique lettres & communiqués) et n’a pensé à nous que pour nous dépêcher la cellule Demeter dont nous avons eu l’honneur d’étrenner les services en janvier 2020.
La protection de la santé des riverains, et notamment des plus fragiles que sont les enfants reste une question majeure. La dernière étude de l’INSERM montre qu’il y a corrélation entre la densité de vignes dans un rayon de 1 km autour de l’habitation d’un enfant de moins de 15 ans et le surrisque qu’il a d’avoir une leucémie. L’intervention de Stéphanie Goujon (video ici), chercheuse à l’INSERM, lors de notre colloque de novembre 2023 sur les effets des pesticides est à ce sujet édifiante…
Au niveau national les arrêtés successifs ont fixé des distances d’épandage ridicules au regard des risques encourus avec les pesticides de synthèse, distances qui peuvent être réduites encore grâce aux chartes dites “de bon voisinage”. Celle de Gironde a été élaborée par la Chambre d’agriculture, sans retenir la moindre proposition de nos associations (voir nos articles ici ou là).
Au positif cependant, cet incident a peut-être contribué à convaincre bon nombre de viticulteurices, en Nord-Gironde, de se convertir au bio pour que cesse cet empoisonnement généralisé. Plus de 30% des surfaces en bio, c’est l’assurance d’une diminution d’un tiers des risques pour la santé et l’environnement car, comme le montre notre précédent article, les pesticides ne sont pas évalués correctement ! Dans le même temps, le dialogue avec les Organismes de défense et de gestion du Nord-Gironde a nettement progressé, notamment au sein du programme Cep(h)ages.
Pour faire un bilan complet, à plusieurs voix, des 10 ans écoulés, des avancées et des reculs, Alerte Pesticides Haute-Gironde a invité les riverains et les vignerons, les associations locales et les élus, à prendre la parole autour d’un goûter champêtre. Ce sera dimanche 5 mai, au bord de l’estuaire à la Roque de Thau à partir de 16h. Venez nombreux !