La Cour des comptes l’a écrit : « Le label HVE (haute valeur environnementale) même de niveau 3 … n’apporte pas de garantie environnementale suffisante à l’heure actuelle ». L’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) a produit un rapport argumentant pour supprimer la voie B d’accès au label HVE et réviser complètement les critères d’accès à la voie A (voir notre article sur les deux voies). L’OFB (Office français de la biodiversité) a fait là-dessus un rapport qui reste bloqué sous le coude des ministres de l’agriculture et de la transition écologique mais dont quelques journalistes ont eu connaissance : “le label agricole HVE ne présente, dans la grande majorité des cas, aucun bénéfice environnemental” et “les seuils retenus ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses”. Toutes les associations de défense de l’environnement, la presse spécialisée, tous les élus qui se sont penchés sur la question savent que le label HVE est du pur greenwashing.
HVE : un label vino-viticole
Lorsqu’il a été inventé en 2008, après le Grenelle de l’environnement, le label HVE était présenté comme une marche vers le bio, un outil d’aide à la transition permettant d’atténuer le saut entre l’agriculture conventionnelle et la bio. Or c’est une mise en concurrence des deux certifications qui est organisée aujourd’hui, notamment avec les aides fiscales ou celles de la PAC qui sont redistribuées vers HVE au titre des écorégimes.
La viticulture, rappelons-le, consomme 20% des pesticides vendus en France pour une surface agricole correspondant à 3% de la surface totale. Le président de Synabio remarquait l’an dernier, dans un article de la revue Reussir, que ” la HVE s’est majoritairement développée dans la viticulture, en quête d’une revalorisation de son image. Or c’est là où la bio est la plus avancée, soit 14% des surfaces (2020). Il y a donc une vraie bagarre d’existence pour enrayer la montée de la bio en France qui va vite. Les pouvoirs publics vont allouer des crédits à la HVE qui n’a pas du tout fait ses preuves” .
Notons que ce label HVE est promu par une association qui a ses bureaux 18 avenue Winston Churchill, 94220 Charenton-le-Pont. Il semble fait sur mesure pour les vignerons en général et les Vignerons Indépendants de France en particuliers (dont l’adresse est : 18, avenue Winston Churchill, 94227 Charenton-le-Pont).
De fait, sur les 19 216 exploitations agricoles labellisées HVE en France au 1/07/2021, 14 721 sont des exploitations viticoles, soit 77% (chiffres du ministère de l’agriculture). En Gironde, le département comptait (toujours au 1er juillet) 2548 exploitations HVE. Notre département est cette fois encore sur le podium (premier devant la Marne avec 1603 exploitations). A comparer avec le podium des surfaces viticoles sans doute, mais aussi avec celui des achats de pesticides que cartographie régulièrement Générations Futures.
Les départements champions en nombre d’exploitations HVE et les départements champions en terme d’achats de pesticides : une corrélation ?
En Nord-Gironde où en est-on ?
Le nombre d’exploitations en agriculture biologique augmente depuis plusieurs années, en Nord-Gironde. Sur l’ensemble des Côtes de Blaye (6000 ha), 23% des surfaces sont aujourd’hui en agriculture bio et 13% en conversion. Ce qui fait que le tiers de la surface viticole n’est plus arrosée de pesticides de synthèse. Alerte Pesticides Haute Gironde salue ces réelles avancées qui sont de nature à diminuer l’exposition des riverains, notamment les enfants et les femmes enceintes à certains des produits utilisés dans les rangs de vigne.
Du côté des Côtes de Bourg (4 000 ha) l’évolution est similaire puisque le quart de la surface agricole est en bio. Mais l’orientation actuelle de l’ODG risque fort de ralentir la progression. Il a choisi d’intégrer l’obligation de certification HVE 3 au cahier des charges de l’appellation. Cela signifie que même les viticulteurs en bio, ceux qui renoncent totalement à l’usage des pesticides de synthèse, devront demander ce label affiché comme un “verdissement” de l’appellation. Cette décision, présentée comme une “mesure agro-environnementale forte”, confirme une réorientation dommageable que nous pressentions au printemps dernier (voir notre article). En mettant tous ses efforts vers la certification HVE, l’ODG renonce à une véritable transition écologique.
L’AOC Côtes de Bourg est en ce sens la bonne élève du CIVB qui a fait de la HVE l’alpha et l’oméga de sa “comm” pour tenter de faire face à l’effondrement des ventes de la filière au lieu de prendre par les cornes le problème de cette mévente due, entre autres, à de nombreuses affaires crapuleuses, à une réputation qui s’effondre et à une inquiétude environnementale qui grandit dans la société. On retrouve d’ailleurs le syndicat professionnel viticole des Côtes de Bourg aux côtés du CIVB dans le procès-bâillon intenté à l’association Alerte aux Toxiques (voir nos articles ici et là) pour avoir “dénigré” les vins de Bordeaux (HVE notamment).
Pour éviter les CMR et perturbateurs endocriniens, une seule solution, souligne la Cour des Comptes : promouvoir les labels sérieux tels que l’agriculture BIO ou DEMETER.